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Photo du rédacteurM HL

Une résidence au musée Camille Claudel

Dernière mise à jour : 9 sept. 2023

J'ai passé le printemps dans l'Aube, accueillie au domaine du Tournefou pour une résidence d'écriture de deux mois au musée Camille Claudel. Pendant ce temps d'isolement, j'ai pris soin de créer un "bain" d'images, de sons, de musiques et de textes dans lesquels m'immerger. J'y plongeais chaque jour jusqu'à y fusionner le quotidien.

Le reculement du domaine a favorisé un repli sur soi, un retour propice à la création. Il y eu d'abord une sensation de vide. L'atmosphère plane, l'horizon sans montagnes ont marqué un contraste avec une intériorité foisonnante et émotive. J'ai senti l'impact de l'environnement sur mon corps et sur ma façon d'écrire. C'était à la fois violent et doux, c'était comme entrer en résonance avec moi-même, sans pouvoir reculer. J'ai été seule. J'ai eu pleinement l'espace d'être moi-même, d'être celle que je me demandais d'être.





Dans ce vide, les gonds posés par l'équipe du Tournefou ont été essentiels. Elle a su installer un rythme, un cadre pour explorer le vide et la possibilité d'en sortir. Ce cadre est né d'une confiance et d'un confort fabriqué par elle. Une atmosphère familiale où chaque membre tient une place importante, une place que l'on a pas besoin de conquérir, mais de laquelle il est possible de s'extraire, au besoin. Je n'étais pas la seule membre invitée à cette famille car deux autres résidentes m'ont rejoint. Notre lien s'est tissé par la recherche et par l'art, dans une grande richesse d'échanges et d'entraide.

L'œuvre de Camille Claudel a infusé cette période à la manière d'une encre sur papier transfert. Elle s'est immiscée partout où elle pouvait, faisant pousser à l'intérieur de mes pensées des sentiments nouveaux, des révoltes, des tristesses que je n'étais pas sûre d'avoir vécu mais dont j'avais le souvenir. Camille a été présente comme une chose à tuer car trop puissante trop imposante pour juste moi. J'ai demandé à la vie de Camille de s'éloigner de la mienne, de laisser la place à mes mains de faire. J'ai vu en Camille la possibilité d'ouvrir ma langue à l'extrême sensorialité des corps dont elle est capable.


Et elle l'a fait.



Camille et moi nous sommes regardées. Il y a eu un effet miroir. Et puis un détournement. Camille sera toujours en moi quelque part. Mais Camille Claudel est morte. C'est cette part de moi que j'ai regardé mourir et puis se transformer, grâce aux mots.


C'est ce dont parlent les mythes je crois. Les mythes, dans leur proportions surdimensionnées, avertissent et soignent les vies quotidiennes auxquelles ils font écho. Camille est un mythe. Un mythe de la création, un mythe du féminin à l'ouvrage, un mythe du désir qui se brouille - un désir qui se confond. Lorsqu'on est créatrice, il est possible de se retrouver coincée, un jour, dans les filets du mythe du Camille. Prise dans une histoire plus large que la sienne. Une histoire politique de recherche d'indépendance et de reconnaissance, les cris qu'on lance pour se faire entendre, les mains qu'on tient et celles qu'on lâche. Cette histoire, je l'ai vécue. Mon texte de résidence recherche-création aux cieux en donne une approche poétique et musicale.




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